Son œuvre

GALERIE PHOTOS

« Le premier mérite d’un tableau est d’être une fête pour l’œil » ( Eugène Delacroix )

Une sélection d’ oeuvres illustre les principales étapes, en périodes ou séries, du parcours pictural de KAWUN.

LE PEINTRE À L’ OEUVRE, L’ŒUVRE DU PEINTRE

« L’ oeuvre d’ art est un arrêt du temps » ( Pierre Bonnard )

Kawun dans son atelier -1993-
Kawun dans son atelier 1993

12 Dessin« Les historiens de l’art n’en finissent pas d’explorer les sources du passé à la recherche d’indices, de traces ou de témoignages pour étayer leurs hypothèses et explications, justifier un éclairage nouveau ou tenter de révéler les fils secrets reliant des périodes entre elles ou des artistes et leur temps, établir des filiations, des ruptures, des influences. Il ne faut donc pas hésiter, en présentant Kawun encore si proche et pourtant déjà dans l’histoire, à consigner tout ce que l’on connaît de lui, de son œuvre comme de sa vie. Ici, en quelques lignes, mais plus ailleurs et toujours.

 

Pour nous, vie du peintre à l’œuvre et œuvre du peintre restent encore inséparables et nous devons raconter la personnalité immense du peintre, de l’homme capable de la plus fine et haute sensibilité et du plus énorme des éclats de rire. Proche des autres et du réel et pourtant dans le recul d’un intérieur profond et caché, l’homme de la terre insuffle sa force vitale à sa peinture et l’homme visionnaire réconcilie l’art contemporain occidental et ses lointaines et vénitiennes sources picturales aux confins de l’Orient.

13 Dessin Kawun, 1925-2001 : nous ne sommes plus dans le champ de la critique picturale, qui est du domaine de l’opinion ou du goût, on est déjà dans celui de l’histoire, d’une œuvre finie. Finie, non pas au sens philosophique du terme car elle aurait pu se poursuivre encore : brutalement interrompue, elle ne s’est pas arrêtée par tarissement mais ses contours ne changeront plus et elle s’appréhende aujourd’hui comme un ensemble définitif et autonome.
Dans cet entre-deux historique, mêlons encore l’évocation de la vie de l’homme, son atelier, sa vie avec Denise son épouse bien-aimée indissociable de cette aventure de peintre, la terre et la nature et les récits plus sophistiqués de la fabrication de l’œuvre, ses ressorts et son autonomie, transmission qui engendrera la postérité.

Kawun, dont la construction se situe dans la deuxième moitié du XXème siècle, dans une période où foisonnent et se succèdent de grands novateurs, fait partie de cette génération d’artistes marqués par la guerre et par une formidable envie de vivre et de renverser les règles de l’art moderne. Sa première exposition, de groupe, en 1949 « Les mains éblouies » – titre prémonitoire de son talent et de son émerveillement permanent devant la peinture et la beauté de la vie avec Denise – est un point de départ : il a 24 ans, son engagement pictural est désormais en mouvement et total. Après des années rudes et incertaines, pendant lesquelles ce jeune et courageux fils d’émigrés ukrainiens fait tous les métiers, sa rencontre avec celle qui toute la vie durant le comprendra, le soutiendra et lui offrira l’Auvergne et aujourd’hui encore nous donne l’œuvre à voir, sera déterminante.

14 Dessin Dans les années 50, la couleur tient la place centrale dans la peinture.
Kawun organise formes, plans et mouvements uniquement avec la couleur. On dirait qu’il se roule avec délectation dans la peinture : il fait sans cesse varier ses outils picturaux, brassant toutes les références plastiques de l’art qui lui est contemporain, dans un esprit d’invention picturale dont il parcourt la variété, dans une mobilité totalement authentique, sans souci du marché, des modes ou de la critique. Il utilisera le trait, le graphisme, le soulignement pour cerner ses tâches colorées, puis au contraire, entre 53 et 58, à nouveau s’en défait pour penser en touches colorées et vibrantes, à la Bonnard, comme pour donner à la couleur une autonomie de rayonnement.

Pendant une vingtaine d’années, dans une période allant globalement jusqu’en 70-71, il explore différents moyens, transformant par associations plastiques son imaginaire en expérimentations. Le plus souvent, il occupe l’espace plastique de la toile en partant de la centralité et bientôt fera appel au mouvement, à la lumière, au jaillissement de formes, aux vibrations, leur conférant une force qui semble émerger de l’intérieur, d’un noyau. Il s’ancre dans son propre répertoire comme il prend racine, avec Denise, dans la terre d’Auvergne et la nature, berger, pêcheur, cuisinier, ébloui par la truculence de la vie.
L’attraction de l’art abstrait se transmue en travail de refiguration plastique du monde sensible et naturel qui l’entoure, c’est un nouveau regard créateur sur la toile. Il installe son atelier à Montchanson, se stabilise, et à côté de petits formats ou de dessins, il s’engage dans des œuvres plus monumentales.
Dans les années 65-71, ce monde qui a pris existence et consistance, va se structurer et trouver un statut pictural dans des compositions où le mouvement nait de fausses perspectives, de contreplongées, de dynamiques contradictoires et finalement d’ordonnancements dans une certaine ambiguïté spatiale. Cette combinatoire du travail de l’espace plastique de la toile et de l’utilisation de références figuratives sont comme des retrouvailles picturales alliant la mémoire des outils plastiques nouveaux, explorés et maîtrisés et un nouveau champ de la représentation.

Au fond, Kawun opère un renversement contraire au chemin habituel de ses prédécesseurs qui se libéraient avec l’art abstrait de toute référence et contrainte : il se libère lui, au contraire, des aléas d’une libre spontanéité et se réapproprie des formes, en apparence familières, du domaine de la figuration et recrée un monde pictural dont les formes ont des places assignées.

15 DessinC’est dans les années 72-75 qu’apparaissent les grands bouleversements de son répertoire qui donneront lieu à ces œuvres immenses où Kawun s’approprie alors des références de l’art du Quattrocento, comme s’il fallait relier quelques fils entre des démarches appartenant, certes, à des champs sémantiques éloignés dans le temps, mais se rejoignant dans l’idée de recréer un ordre, après les désordres du Moyen Age comme après ceux des « ismes » de l’art moderne et contemporain et de l’abstraction. Il fabrique ses couleurs à l’œuf, comme les Anciens, il cherche des réminiscences pour soutenir son invention formelle. Il cherche à concilier mémoire collective et création et crée ces formes évocatrices, qui à la fois nous semblent proches et pourtant étranges. Il peint sur des papiers géants qui se déroulent comme une autre vie.

Ce sera la période majeure de son œuvre, l’œuvre de la maturité, son sceau singulier qui va rendre son art signifiant avec son écriture propre, où les foules fantomatiques peuplant des espaces oniriques, imaginaires et reconnaissables à la fois, nous aident à déchiffrer la mémoire de l’art dans une résonnance créatrice.

La place que Kawun occupe désormais dans le contexte de la deuxième moitié du XXème siècle est singulière, car à la fois inscrite dans ce mouvement brownien de l’art et à la fois intemporelle.

Il reste à dire, au-delà de ce qui reste dans la boite noire du « comment »et du « quand », toute la beauté qui nous étreint dans cette promenade de l’œil que nous offre superbement notre ami et grand peintre Kawun ».


Sylvie SEBILLOTTE-CLAVEL
Ancienne administratrice de la Sainte Chapelle, de la Conciergerie et des Tours Notre Dame de Paris.
Hommage à KAWUN dans le catalogue de l’exposition au Musée d’Ostrava,
République Tchèque – 2011 –

REGARDS SUR L’ŒUVRE

« Dire au peintre qu’il faut peindre la nature comme elle est, vaut de dire au virtuose qu’ il peut s’ asseoir sur le piano »
( Stéphane Mallarmé )

Les Carrières (suite) 1961-1962 huile/toile 97 x 125 cm
Les Carrières 1961-1962 huile/toile
97 x 125 cm

Le regard de Michel QUETIN :
Souvenirs de la grange au peintre

Extrait du catalogue de l’exposition à la Galerie d’art contemporain, AMAC,
Chamalières -1990 –


Dessin corps femme« …La seule méfiance de KAWUN se dirigerait contre des débuts de tableaux trop narratifs, mais ne concerne nullement le débat entre figuration et abstraction, qui n’a, à ce stade, pas grande signification, certains de ses tableaux qualifiés de figuratifs étant aussi abstraits que certaines de ses toiles déjà anciennes jugées telles. Le seul projet viable est purement pictural; il réside dans la touche. « La touche c’est l’épaisseur. La peinture se fait par épaisseurs, par juxtaposition. Elle peut se définir comme une accumulation, qui s’étage et s’étoffe de regrets et de doutes »…

…En fait, pour fournir un autre éclairage aux discussions souvent ouvertes sur et entre abstraction et figuration: « qui me dit que ce visage restera visage, que ceci restera un bras ? Ce qui est figuratif, je le pousse vers l’abstraction, ce qui est abstrait, je l’amène vers la figuration. J’ai besoin de ce balancement »…

…La difficulté de « lire » certaines parts du tableau vient de ce « qu’il faut laisser des espaces à l’invention du spectateur. C’est au regard de choisir. Le peintre a fait quelque chose, c’est vrai et c’est bien. C’est encore meilleur quand il laisse au regard du spectateur le pouvoir de voyager… »

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Le regard de Sylvie SEBILLOTTE-CLAVEL :
Une expérience picturale solitaire

Extrait du catalogue de l’exposition à la Galerie d’art contemporain, AMAC,
Chamalières -1990 –


Dessin corps de femme« Loin des modes, mais enraciné dans son siècle, Kawun poursuit une expérience picturale solitaire où l’ambiguïté de la représentation figurative nous renvoie sans cesse à ce qui fait la nature et l’intérêt propre de sa peinture: composition, valeurs, lumière qui sont mises à profit d’un univers étrange.

On est loin de l’éclatement des langages actuels où le décodage de l’amateur doit affronter l’hermétisme de l’art conceptuel, les matériaux de récupération ou le bad-painting. Aucun phénomène de surenchère ne vient déstabiliser le peintre dans son invention propre et continue.

Kawun ignore délibérément les dérangements actuels de l’ordre culturel, l’atomisation des expressions, les négations disciplinaires et la quête d’une « après-mort » de l’art.
A l’heure où la recherche inquiétante d’un langage paupérisé se sert, comme s’il s’agissait d’un retour aux sources, de moyens et matériaux bruts ou abandonnés, à l’opposé de ce « tiers-langage » qui se cherche et se perd dans le comble du culturel, Kawun revendique et affirme la légitimité immuable de la peinture. Il n’en a jamais abdiqué : aucun renoncement au nom d’une hypothétique et étroite modernité, aucune concession.

Au contraire, dans la diversité et l’exploration approfondie des potentiels d’un champ unique – celui de la toile -, dans la maturité de son choix, Kawun travaille et retravaille la lumière, les ocres de la terre, le combiné paradoxal mouvement/immobilité éternelle.… »

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Le regard de Lydia HARAMBOURG :
Un aventurier

Extrait du catalogue commun des expositions au Musée d’Art et d’Archéologie d’Aurillac, au Centre culturel Nicolas Pomel d’Issoire, et à la Galerie Bertrand Trocmez de Clermont-Ferrand – 2003 –


Dessin« L’œuvre est prolixe et généreuse, placée sous le signe de la métamorphose, seul recours formel pour exprimer ce que la peinture recèle en elle de vitalité féconde et de dynamisme inventif.

Ivan Kawun est un aventurier. Parce qu’il renouvelle les propositions offertes par la réalité, questionne les avatars de la forme, débusque la signifiante magique et incantatoire de la couleur, convoque l’énergie primitive, il est devenu ce sourcier d’un univers intuitivement assimilé à celui qu’il a adopté en s’installant en Auvergne en 1953. Sa peinture est alors devenue ce champ où s’opère la transmutation de l’espace naturel en un espace plastique dans lequel les apparences du monde s’expriment à partir des rythmes profonds à l’unisson du lyrisme cosmique.
Avoir délaissé la capitale en proie aux plus ardentes polémiques esthétiques arbitrées entre autres par Charles Estienne, pour se soumettre à une interrogation quotidienne sur une possible issue poétique, relève d’une aventure prométhéenne.

II vit dès lors cet espace physique, confronté aux saisons, à la nuit mystérieuse ouverte sur le ciel comme à la lumière qui épouse le mouvement des choses naturelles, les modèle en épaisseur, dans le corps même de la matière picturale. Le propos de Kawun n’est pas de nous proposer une image policée, mais de cerner dans l’apparent chaos clos de la surface la poussée organique, de juguler les volumes extérieurs aussitôt mus en signes, de piéger la luxuriance des couleurs, l’éveil de la clarté au point où, encore instable, elle frémit, captive entre le visible et l’invisible…. »

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Le regard de Florence VERCIER :
Une ivresse conquérante

Extrait du catalogue de l’exposition à l’Espace Les Écuries, Aurillac – 1995 –


Dessin corps femme« Depuis le commencement, la peinture de Kawun est le champ activé de ses désirs, de ses angoisses, de ses appétits et de ses interrogations. Dans la fenêtre ouverte de la toile, il a été à la découverte de lui-même et de l’univers, a coulé sa confession….

…La lutte est cependant âpre en ces paysages où le jeune Kawun rencontre l’Auvergne pour la première fois : rudesse des sols qui ébranlent de leur austérité l’humaine solitude; rocs hérissés contre lesquels se heurtent les angoisses… Les toiles rugueuses, déchirées communiquent le choc du premier contact avec ces hauts plateaux qui allaient devenir sa terre. La violence peut aussi, sans agressivité, se maintenir contenue, et sous-tendre des formes apaisées. Mais elle soulève par ailleurs les masses d’une poussée volontaire, elle malaxe de pleine force la pâte magnétisée. Et les plages les plus sereines affirment toujours une volonté serrée.
Cependant, ouvrant les perspectives de sa propre histoire et soufflant à son esprit le récit de ses origines, la rencontre de Kawun avec Venise oriente désormais son combat. La lutte devient joie, vitalité, ivresse conquérante. Du haut de sa retraite, il porte le regard au loin, réceptif à cette bourrasque de l’histoire et à ce déferlement de lumière venus de la lagune. Quelle furie triomphante dans la possession de ces espaces chavirés, où la volute baroque brasse la matière domptée ! La conquête est immense et la création du monde lui appartient. Car Venise est le révélateur de souvenirs ignorés. Tandis que mer et ciel fondus dans l’infini décuplent sa soif d’espace, les géants, Tintoret, Véronèse, montrent la voie des mythes transcendés. Derrière Saint-Marc se profile Byzance et les ors de l’iconostase. Et sur ces rives où s’entrechoquèrent les armes turques, Kawun embarque vers la terre ancestrale et amoncelle les coupoles, dans le bonheur de renouer avec la poésie de son enfance, que la voix maternelle a parée de songes merveilleux. »

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